21 septembre 2012

Quelle légitimité pour l'architecte contemporain ?



Laurie diplômée ! HMONP en poche, elle peut aujourd'hui officiellement signer des plans et s'appeler "architecte "! Voici un extrait de son mémoire qui parle de la Cartonnerie et qui justement interroge le métier d'architecte et les conditions d'accès à la maîtrise d'oeuvre.

« Il existe une interaction entre les humains et les choses (…) Il existe une magie du réel. Je connais bien sûr la magie de la pensée. La passion de la belle pensée. Mais je parle ici de ce que je trouve souvent encore plus incroyable : La magie des faits, la magie du réel. »
(P. Zumthor, Atmosphères, éd. Birkhäuser, Basel, 2008.)

"Nous avons formé le collectif interdisciplinaire « Carton plein » autour d’un projet à Saint Etienne « La Cartonnerie », en septembre 2010. La démolition de cette ancienne usine stéphanoise a laissé place à la fabrication d’un espace public temporaire dans l’attente d’une future reconstruction foncière.
L’espace en friche a été dépollué puis ouvert au public. Notre collectif a été missionné par l’Epase (Établissement Public d’Aménagement de Saint Étienne) en tant qu’assistant à maîtrise d’ouvrage pour les accompagner dans la transformation progressive de «la Cartonnerie». Ce chantier en perpétuel mouvement, est un espace laboratoire où nous expérimentons en équipe une manière de construire la ville différemment, avec les acteurs en place. L’intérêt majeur de cette expérience est qu’elle s’inscrit sur un temps long et selon une temporalité particulière. En effet, chacune de nos actions se mettent en place au fil des opportunités et des besoins. Chaque intervention est succédée d’une période de recul et d’observation, permettant d’anticiper la suivante... Ainsi l’immersion dans le quartier, le rapport au voisinage, aux temporalités de la ville et du projet urbain, aux usages qui s’installent petit à petit, aux jeux d’acteurs en place, sont autant d’éléments fondamentaux et d’accroches pour fabriquer dans le temps cet espace public.
Aujourd’hui le projet n’est plus soutenu financièrement pas l’EPASE qui n’est plus maîtrise d’ouvrage. Les espaces pris en charge et aménagés par cette institution publique redeviennent propriété de la ville une fois réceptionnés. Le cas de la cartonnerie est particulier : l’espace devait théoriquement rester sous la tutelle de l’Epase, portant avec Carton plein, l’idée d’un chantier
permanent. Ce lien ténu que nous avions réussi à tisser entre l’échelle micro du quartier et macro de cette émanation de l’état s’est fragilisée suite aux modifications hiérarchiques au sein de la structure. Les personnes ressources porteuses du projet ont étés missionnées sur d’autres opérations. L’Epase s’est donc désengagée progressivement.
Nous travaillons activement pour tisser petit à petit les mailles d’un réseau de soutient (notamment avec la ville de saint Etienne), pour que le projet continue d’exister avec toutes ses particularités. C’est une réflexion passionnante sur les systèmes de gouvernance qui régissent l’espace urbain.
Carton plein n’a plus de légitimité d’action en tant qu’assistant a maîtrise d’ouvrage, mais devient une association laboratoire de l’espace public... son statut est mouvant. Aujourd’hui, la cartonnerie est d’avantage, une sorte de cadre d’expérimentation qui fédère les personnes, à plusieurs échelles, et qui crée des passerelles entre diverses institutions telles que les universités, les associations de la ville. Ainsi la cartonnerie est l’espace d’une mixité intéressante où chacun peut trouver sa place : c’est autant un équipement de quartier, espace des usages quotidiens, qu’un lieu de recherche sur la ville « en train de se faire ».
Les réflexions analytiques menées par l’équipe autour du site et les problématiques soulevées au fil du temps génèrent finalement le besoin. L’omniprésence de Carton Plein sur une temporalité longue à la Cartonnerie, et la singularité des modes d’actions développés, crédibilisent petit à petit la démarche.
Ainsi, l’EPASE nous a de nouveau missionné par la suite pour une étude pluridisciplinaire sur la problématique du jeu dans le quartier de Jacquard, à proximité de la Cartonnerie. L’objectif étant d’aboutir à la pré-programmation d’un espace public en restructuration (ilot Gachet). L’intérêt de cette sollicitation est la reconnaissance de l’association comme une structure professionnelle compétente pour réaliser des études et diagnostics en amont des projets. Ce qui est passionnant dans ce projet ce sont les frictions avec les autres disciplines, les frontières minces où l’on peut être sur des récits et outils communs mais aussi les moments tranchés où le rôle de chacun redevient très définit et complémentaire.
Le rapport aux autres disciplines nécessite un ajustement constant, pousse dans ses retranchements et requestionne les automatismes de nos professions (artistes, graphistes, sociologues, designers, jardiniers, etc) mais parfois les valide et fait apparaitre les compétences professionnels comme de vrais nécessités. Nous sommes sur des franges alternatives, lieux des possibles, lieux tests, espaces d’invention où chacun doit trouver sa légitimité."

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