29 août 2013

Valentine Racine en résidence d'écriture

Valentine Racine écrit des nouvelles et des textes nés de ses observations sur ce qui l'entoure et à partir des situations dont elle est témoin. Invitée à la Cartonnerie, il s'agit pour elle d'observer Saint Etienne comme vaste terrain de jeu et de donner son regard sur ce que livre la ville et ses habitants à une étrangère.

"Ici j'ai vu comme deux faces de la même médaille. La ville a son visage sombre, terni par le passé avec bâtiments à l'abandon, pans de murs rongés par la pelle mécanique, interstices parsemenés de détritus, façades empoussiérées et bancales. Les fils électriques pendent comme autant de fils à retordre la vie. L'autre profil est plus enviable. Aménagements urbains audacieux pour une ville cobaye amenée à expérimenter toutes les innovations. Couleurs vives et formes incongrues marquent les nouveaux champs de vision. Hier exclue de la dynamique nationale, la ville devient désormais vaste terrain de jeux pour ceux qui cherchent à réinventer le monde.
J'arpente la ville et ses stigmates. Traces d'un passé industriel qui se souviennent d'une économie florissante qui n'a pourtant enrichie que certains. Je ne peux m'empêcher d'aller vers l'autre versant de cette même histoire, celle des exilés de tout bord. La ville les a accueillis dans son sein pour exploiter le ventre de la terre et manier le feu d'où accoucheront des armes, fierté de la belle époque. Les enfants de ceux-ci sont nés, puis les enfants de leurs enfants. D'autres arriveront plus tard, d'autres pays, plus loin. Avec eux tous, on peut faire le tour du monde.
Ici semble régner une loufoquerie joyeuse et simple. Les anars font du clown, les ascenseurs ont déménagé dans la rue, les squares ont des transats en bois (à quand les hamacs ?) et au marché on achète presque à l'unité des pastilles pour lave-vaisselle. Les noms de quartier portent à sourire : le portail rouge, le soleil qu'on aimerait quotidien, le clapier sans lapin, la belle vue, sa terrasse et ses beaux bruns.
Je croise une multitude de visages inconnus au regard franc, à la fraternité chevillée au coeur. Ici les rues, les bistrots témoignent de cette Franche amitié que la citée porte en bandoulière. Pour l'étrangère les visages accueillent, questionnent, guident avec une bienveillance bonhomme. Emplie de gratitude, elle s'émeut de cette générosité qui décuple l'espoir. Ici les funérailles sont solidaires, le pain dur laissé sur les rebords de fenêtres et les restes du plat devant la porte. Dans ce pays, on n'oublie personne, même pas les bêtes."
Saint-Étienne, août 2013

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