12 septembre 2013

Cerisy la Salle

A quoi (vous) sert le (concept de) jeu ?

Avant de partir, une petite boule dans le ventre, un peu comme la veille des départs en colo, une petite appréhension, pas grand chose. Sur le quai de la gare avec ma petite valise, j'ai fait coucou à maman et voilà c'était parti…

Aller à Cerisy la Salle, pour participer à un colloque, c'est une aventure qui commence dans le train. Saint-Etienne-Lyon, Lyon-Paris gare de Lyon, Paris gare de Lyon-Paris gare Saint-Lazare, Paris gare Saint-lazare-Lison, Lison-Carantilly, Carantilly-bus pour le château…
Le train qui ralliait la gare Saint-Lazare à Lison est annoncé avec une heure de retard. A bord, nous sommes invités à prévenir le contrôleur d'éventuelles correspondances. Lorsque je m'adresse à lui en m'inquiétant de la correspondance Lison-Carantilly, il me dit texto "Ah vous allez au château!"… ça plante le décors. Tout comme la gare de Carantilly, qui est normalement désaffectée, mais dans laquelle un arrêt est prévu par la SNCF les jours d'arrivée et de départ des colloques. Rien que ça.

Dans le dernier train, les passagers se regardent, se projettent, qui va à Cerisy ?

L'arrivée est grandiose, le château est au milieu d'un parc avec de nombreuses dépendances, l'orangerie, les escures, le moulin, la ferme. Les participants sont emmenés dans leur chambre par le personnel de maison, des femmes toute en noir et blanc.
Je loge aux escures, stalles droites. D'anciennes écuries pour chevaux transformées en chambre.


Cerisy est une parenthèse, un lieu intemporel dans lequel on prend le temps de déplier les choses, de rencontrer des gens, des pensées. D'échanger, de partager, de réfléchir. Cela est possible grâce au cadre proposé depuis des dizaines d'années. Une même formule qui a peu évolué, consistant à rassembler des gens, qu'ils soient conférenciers ou auditeurs (sans distinction), les faire manger ensemble, dormir ensemble, habiter un lieu et ainsi mobiliser le temps nécessaire au déploiement de la pensée. Ce lieu est chargé. D'histoires familiales déjà (les membres de la famille ne se lassent pas de la faire partager à leurs hôtes) et aussi d'auras, de présences, de toutes ces personnes qui sont venues à Cerisy et dont les photos couvrent les murs du château. Deleuze, Derrida, Ponge, Foucault…


Le colloque autour du jeu s'est déroulé dans une ambiance particulièrement bonne, ouverte à toutes les propositions. Aussi, après les conférences qui se succédaient à hauteur de 4 à 6 par jour, des parties de jeu étaient organisées, pétanques, ping-pong, jeu de rôle, murder partie, soirée cinéma (pendant laquelle Charleroi les enfants jouent a été projetté).
Les participants au colloque étaient tous très différents, chercheurs, universitaires, sociologues, anthropologues, artistes, joueurs, chercheurs-joueurs, geeks, mono maniaque du jeu, psychanalystes, psychothérapeutes, philosophes, concepteurs de jeux vidéo, quidams. Bref un panaché très riche qui a ouvert la réflexion à différentes approches et conceptions, voir utilisation du jeu.
Chacun des intervenants a gravité autour du jeu et exposé la manière dont il l'envisage dans sa propre recherche. Au bout du compte, aucune définition ne s'est dégagée plus pertinente qu'une autre. Autre chose était en jeu dans ce colloque, ouvrir les possibles, exposer et mettre en débat la place du jeu dans la recherche de chacun.


La dynamique de notre groupe a été particulièrement enrichissante, beaucoup de connivence et de complicité se sont tissées tout au long du séjour, les jeux et la bonne table aidant (cidre et vin à volonté, accompagnant des plats tout en sauce (on est en  Normandie!)). Se rencontrer, échanger sur les projets en cours, donner des références, des conseils, s'inviter, s'échanger les adresses (là j'exagère un peu, mais c'est pour accentuer le côté colonie de vacances) bref vivre une aventure collective.
Depuis une semaine que je suis rentrée je continue de rêver de Cerisy. Mes nuits se passent souvent là-bas. C'est probablement la nostalgie d'un séjour atypique, et des magnifiques rencontres qui l'ont rythmé.
Le sentiment le plus fort qui continue de me parcourir, c'est l'incroyable besoin de me mettre au travail, l'énergie et l'envie d'être en mouvement.

Gros bisous de Cerisy

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